MÉMOIRE DE L’ASSOCIATION CANADIENNE DE L’INDUSTRIE DE LA CHIMIE AOÛT 2011

L’INDUSTRIE DE LA CHIMIE AU CANADA

Qui sommes-nous?

Nous sommes l’industrie de la chimie du Canada

L’Association canadienne de l’industrie de la chimie (ACIC) représente les principales entreprises qui évoluent dans le domaine de la chimie. Les entreprises membres appliquent la science de la chimie pour créer des produits et services innovateurs qui contribuent à améliorer la vie des gens, à la rendre plus saine et plus sûre. Pour être membre de l’ACIC, il faut souscrire à la Gestion responsable®, un programme de perfectionnement permanent. En vertu de la Gestion responsable®, les entreprises membres s’engagent à faire de la durabilité un principe fondamental de leur fonctionnement, de leur technologie et de leurs pratiques commerciales. Cet engagement exige une collaboration avec tous les intervenants en vue de favoriser la création de produits et de processus plus sûrs, qui conservent les ressources et améliorent la vie des gens et l’environnement, et aussi en vue d’assurer la surveillance et la sécurité des produits chimiques tout au cours de leur cycle de vie.

Nous ajoutons de la valeur à notre base de ressources

La chimie est une industrie habilitante et occupe une position singulière au sein des chaînes de valeur énergétique et manufacturière en aval. Nos membres prennent des produits énergétiques (comme des composantes du pétrole et du gaz et de l’électricité) et les convertissent en produits manufacturés à valeur ajoutée, multipliant de 5 à 10 fois la valeur énergétique initiale de ces produits. Lorsque ces produits sont valorisés par nos nombreux clients, comme les secteurs des pièces automobiles, des emballages, des appareils médicaux, des textiles et du matériel de communication, la valeur ajoutée par nos clients est nettement plus élevée. La chimie est innovatrice et privilégie les intrants qui sont souvent considérés comme des déchets ou des produits résiduels par d’autres industries, comme l’énergie. Par exemple, nos membres peuvent capter les gaz des installations de traitement des sables bitumineux et les liquides de gaz naturel qui constituent une infime portion du gaz naturel et convertir ces composantes énergétiques relativement mineures en produits manufacturés de grande valeur. Ils convertissent également de l’électricité, de la biomasse agricole et des minéraux en produits chimiques qui servent à tout un éventail d’applications industrielles et de consommation. Un important secteur de services s’est développé autour de cette industrie à haute teneur en savoir. Ce secteur de service, qui inclut plusieurs de nos entreprises membres, est tributaire de la croissance et de la bonne tenue constantes des fabricants de produits chimiques au Canada. Dans l’ordre des politiques gouvernementales, la transformation des ressources en produits à valeur ajoutée signifie que les gouvernements à tous les niveaux bénéficient de la perception des impôts sur des ventes de plus grande valeur.

Nous fournissons des solutions et des emplois

L’activité des fabricants de produits chimiques industriels membres de l’ACIC représente 19 milliards de dollars par an et est à la base du secteur beaucoup plus vaste de la chimie et des produits chimiques (qui inclut les produits pharmaceutiques, les peintures et les enduits, etc.), dont le chiffre d’affaires atteint 45 milliards de dollars par an. L’industrie chimique se classe au quatrième rang du secteur manufacturier et crée quelque 80 000 emplois directs. Après la technologie de l’information (TI), la chimie est, au sein du secteur manufacturier, le plus gros employeur de diplômés universitaires (en pourcentage de la main-d’œuvre). De plus, chaque emploi dans l’industrie chimique engendre 4,8 emplois supplémentaires ailleurs dans l’économie[1]. Les emplois dans le secteur de la chimie offrent de bons salaires et exigent des travailleurs compétents dont les connaissances s’appliquent souvent à d’autres secteurs de l’économie. Nos entreprises membres trouvent des solutions à plusieurs problèmes sociétaux dans les domaines de la conservation de l’énergie, de la santé et de la protection de l’environnement. Pour obtenir de plus amples informations et des exemples particuliers, veuillez consulter notre page Web (www.chimiecanadienne.ca)

Nos recommandations

Au nom de ses membres, l’ACIC est fière de contribuer aux travaux du Comité permanent des finances (le Comité) de la Chambre des communes, dans le cadre de ses consultations prébudgétaires de 2011-2012. L’ACIC est disposée à rencontrer le Comité pour discuter de l’économie canadienne et du rôle de notre industrie en tant que manufacturier innovateur, créateur de valeur, d’emplois et de richesse. Compte tenu du caractère développé de son économie et de sa dotation en ressources naturelles, le Canada se doit d’attirer constamment des investissements dans la modernisation des ressources à valeur ajoutée afin d’accroître sa productivité et son rendement environnemental et créer de la richesse pour les générations futures. Dans ce contexte de création d’emplois durables, de maintien des réductions annoncées de l’impôt sur les bénéfices des sociétés et de rétablissement de l’équilibre budgétaire, nous prions instamment le Comité d’adopter les recommandations suivantes :

  • Reconduire pour cinq ans la déduction pour amortissement accéléré (DAA) – Stimuler les nouveaux investissements dans le secteur de la fabrication, mettre des outils nouveaux et améliorés entre les mains des travailleurs canadiens et faciliter l’adoption de nouvelles technologies pour atteindre les objectifs environnementaux, en adoptant une politique favorable à l’investissement : une prolongation de cinq ans de la DAA sur les machines et le matériel nouveaux (amortissement rapide sur deux ans).
  • Maintenir le programme incitatif fiscal Recherche scientifique et développement expérimental (RS&DE) et en simplifier l’administration.
  • Se focaliser sur une stratégie de valeur manufacturière. Il faut que le gouvernement s’engage à accroître le secteur manufacturier à valeur ajoutée au pays, à créer des emplois et à rétablir la création de richesse.

Contexte

Le Canada fait l’envie du monde entier en raison de l’abondance de ses ressources naturelles, de ses travailleurs qualifiés et de sa proximité du plus vaste marché du monde. Ce patrimoine et les éléments qui le compose doivent être gérés dans une perspective à long terme, ce qui nécessite un examen attentif de ce qui est requis pour continuer à produire de solides rendements ou, en d’autres termes, de la richesse et une bonne qualité de vie pour les Canadiens et Canadiennes d’aujourd’hui et de demain. Plusieurs personnes croient que l’importance économique du secteur manufacturier est en baisse. Rien n’est plus faux et il faut s’attaquer à cette idée erronée si l’on veut que le Canada continue de tirer profit de l’investissement et de l’innovation. Le secteur manufacturier a toujours été et demeure un volet important de l’économie canadienne et une source de richesse pour les générations à venir. Le secteur manufacturier joue des rôles indispensables : il ajoute de la valeur à nos ressources naturelles et, ce faisant, crée de l’emploi dans tous les secteurs de l’économie, y compris le secteur des services et celui de la haute technologie. Il assure la diversité de notre économie et permet d’amortir les fluctuations des marchés des produits de base, qui constituent un risque compte tenu de notre dépendance accrue à l’égard des exportations de ressources.

Lorsque nous nous concentrons sur l’extraction et l’expédition de nos ressources à l’étranger en vue de leur transformation, nous devenons perdants en termes de demande et des possibilités d’emplois. Nous devenons moins innovateurs et productifs. La dotation en ressources du Canada a produit d’importantes grappes industrielles, comme l’industrie chimique fondée sur la transformation des ressources. Les liens entre les industries, comme le secteur de la chimie, et la dotation en ressources du Canada doivent être reconnus et appuyés au moyen de politiques privilégiant la croissance. Le Comité doit se demander comment conserver ces industries au pays et continuer de stimuler l’innovation par l’intermédiaire de la chaîne de valeur et de l’avantage concurrentiel. Manifestement, l’abondance des ressources ne suffit pas. Il nous faut des investissements dans la transformation et l’innovation et c’est pourquoi les pages qui suivent considèrent les politiques d’impôts et le leadership gouvernemental comme des éléments essentiels d’une stratégie.

La chimie est une industrie à forte intensité de capital. Elle est aussi mondiale. Nous devons donc reconnaître que le capital est mobile et que la production mondiale se déplace. Les entreprises au Canada sont constamment en concurrence avec d’autres entreprises au sein de leur groupe de sociétés en vue d’obtenir du capital d’investissement qui est réparti à l’échelle mondiale. C’est pourquoi nous privilégions les mesures garantissant au Canada la capacité d’attirer la part d’investissement nécessaire pour croître et renouveler sa base industrielle de valeur ajoutée et créer ainsi des emplois et de la richesse pour aujourd’hui et demain. Nous sommes fermement convaincus que le Comité doit se focaliser sur les mesures stratégiques clés qui permettent d’augmenter l’investissement et de faire en sorte que l’industrie canadienne soit équipée pour s’attaquer à une concurrence de plus en plus rude pour les investissements futurs.

Nous félicitons le Comité et le gouvernement d’avoir reconduit la DAA pour une période de deux ans dans le cadre du dernier budget. Il s’agit là d’un important levier fiscal permettant d’attirer de nouveaux capitaux et investissements au Canada. Toutefois, nous estimons que la DAA et les reconductions dont elle a fait l’objet n’ont pas été d’une durée suffisante pour stimuler l’investissement dans la machinerie et l’équipement (M&E) au point d’accroître les niveaux de productivité de main-d’œuvre dans notre secteur et dans l’ensemble du secteur manufacturier. Déjà notre secteur est plus productif que sa contrepartie américaine, mais cet avantage diminue à mesure que les effets d’augmentation de la productivité de gros investissements effectués au début des années 1990 s’amenuisent. Il nous faut plus pour maintenir notre avantage et pour stimuler l’innovation. Plus précisément, l’accent doit être mis sur la transformation des produits énergétiques (parallèlement à la croissance du secteur) pour que l’industrie chimique puisse se procurer les produits de base dont elle a besoin pour répondre aux besoins de sa clientèle. La DAA est un élément important d’un ensemble de mesures. Mais pour susciter d’importants nouveaux investissements, elle doit être en vigueur suffisamment longtemps pour influer sur les décisions de planification d’investissement qui, bien souvent, sont prises à l’échelle mondiale en tenant compte d’une multitude d’emplacements possibles.

Les cycles d’investissement varient selon la nature de l’industrie, mais une période de cinq ans représente un minimum. Il est important de signaler que la déduction pour amortissement accéléré n’est disponible qu’une fois les machines commandées et installées en raison du délai de construction inhérent au processus de décision d’investissement dans des projets. Les grands projets doivent franchir diverses étapes de développement, par exemple la conception technique détaillée, la construction et les principales approbations réglementaires; ensemble, ces étapes peuvent exiger quelques années avant que les M&E entrent en exploitation. Un conseil d’administration représentatif envisagera l’intégralité de l’horizon temporel d’un projet. Si la DAA n’est disponible qu’au début et ne l’est plus lorsque la machinerie est installée, il n’en sera pas tenu compte dans le processus de prise de décision. Une période d’admissibilité inférieure à cinq ans est simplement trop courte pour avoir une influence sur les décisions des investisseurs concernant des projets à grande échelle qui requièrent d’importants capitaux, comme ceux dont le Canada a besoin.

La nécessité de reconduire la DAA repose sur la notion fondamentale que les services et les entreprises manufacturières ne rivalisent pas pour les mêmes capitaux. Les industries de services sont assujetties à des structures de réglementation et à des normes différentes et elles ont des ratios capital-travail différents. Une baisse du taux d’imposition pour toutes les sociétés est une idée valable, mais il faut également tenir compte des immenses besoins en capitaux des industries manufacturières, et du fait que leurs marchés et le contexte d’investissement sont vraiment d’envergure mondiale. Il faut aussi tenir compte de la concurrence et du rôle des politiques publiques qui déterminent la possibilité d’extraire la valeur maximale des ressources naturelles du Canada, comme l’énergie. Par exemple, les installations de traitement des sables bitumineux, qui convertissent le bitume en pétrole brut synthétique, ne donnent pas droit à la DAA provisoire au Canada. Pendant ce temps, les raffineries américaines remettent leurs installations à neuf pour traiter le bitume de l’Alberta puisqu’elles peuvent tirer parti de la DAA quinquennale instaurée en 2007. Cette mesure a récemment été prolongée pour trois autres années, ce qui maintient l’horizon de planification des investissements de cinq ans. Il semble donc que la politique fiscale américaine vise à encourager et à favoriser la mise en valeur des ressources naturelles canadiennes aux États-Unis.

Une autre composante importante de la panoplie de mesures fiscales canadiennes est le programme incitatif fiscal Recherche scientifique et développement expérimental (RS&DE). La recherche et le développement (R&D) sont une dimension importante de la création de valeur dans l’économie canadienne et notre industrie joue un rôle non négligeable. Le secteur manufacturier représente plus de 50 % de tous les investissements en R&D au Canada, dont 14 % sont attribuables à l’industrie chimique. Le programme incitatif fiscal RS&DE est mentionné par plusieurs entreprises membres comme un facteur essentiel intervenant dans leurs décisions de localiser des établissements de R&D au Canada. Il produit des avantages économiques et plusieurs autres pays le perçoivent comme un modèle de succès. Finances Canada estime que pour chaque dollar d’aide offert au moyen de l’incitatif fiscal RS&DE, on réalise un gain économique net de 11 cents. Nous croyons que ce rendement pourrait être plus élevé si l’administration du programme était simplifiée. Les entreprises doivent avoir une certaine assurance au sujet de ce qui est admissible au titre de la R&D; toutefois, il arrive parfois que l’administration du programme soit imprévisible et incohérente. C’est pourquoi plusieurs entreprises doivent exclure les incitatifs fiscaux de R&D du calcul du rendement du capital investi en raison de l’incertitude qui les entoure. D’autres questions comme les interprétations techniques incohérentes, les exigences de plus en plus complexes concernant le respect des règles et les délais relatifs au traitement des demandes diminuent la valeur et l’efficacité du système d’incitation fiscale RS&DE. En recommandant la simplification du programme, nous estimons que le Comité doit s’assurer que Revenu Canada ne procède pas à des modifications du programme de manière isolée et avant que ne soit terminé l’examen exhaustif de l’aide fédérale à la R&D.

Chaque année, l’ACIC prépare des fiches de compétitivité, avec texte à l’appui, pour le Canada et les principales provinces où l’on fabrique des produits chimiques. Les documents relatifs aux fiches de pointage fédérales et provinciales peuvent être consultés sur notre site Web.

Ces fiches décrivent les principaux problèmes de nos membres et ce qu’il faudrait faire pour y remédier. Les mesures fiscales comme la DAA et l’incitatif fiscal RS&DE sont des composantes clés d’une stratégie visant à attirer de nouveaux investissements dans la fabrication à valeur ajoutée et la transformation des ressources, mais il faut faire davantage.

Le développement rapide du gaz de schiste offre de nouvelles possibilités de développement à l’industrie pétrochimique nord-américaine et nous devons faire en sorte que le Canada en obtienne sa juste part. Les complexes comme celui de Sarnia, en Ontario, obtiennent une vie nouvelle et la possibilité de croître grâce aux nouveaux approvisionnements provenant du gaz de schiste. La politique des impôts peut aider à transformer ces nouvelles possibilités en investissements, mais le gouvernement doit également se doter de stratégies et de politiques pour mettre en valeur les établissements de transformation de ressources. Il nous faut des politiques de réglementation et des ajustements de politiques adoptées plus opportunément.

C’est pourquoi nous estimons qu’il faut un engagement de la part du gouvernement concernant un secteur manufacturier générateur de valeur ajoutée. Le Canada doit faire une évaluation réaliste de l’avenir du secteur manufacturier, de ce que le gouvernement peut faire et du rôle que l’industrie peut jouer. L’Alberta Competitiveness Act et les Alberta Competitiveness Initiatives, liées à ce texte de loi, constituent un exemple et une façon de procéder. Redynamiser le secteur de la fabrication au Canada représente un partenariat qu’il vaudrait la peine d’entreprendre.

Conclusion

De nouvelles sources d’approvisionnements comme le gaz de schiste constituent un potentiel de croissance comme on en trouve une fois par génération. Nous devons profiter de l’occasion qui s’offre à nous en effectuant de nouveaux investissements en vue de créer de la richesse et des emplois et de renforcer et accroître notre assise manufacturière. Comme mentionné précédemment, la chimie fait partie de ce que nous appelons une industrie de base parce que nous sommes liés à plusieurs chaînes de valeur au sein de l’économie. Nous transférons des connaissances et offrons de la valeur et des solutions grâce à nos produits et services. Provenant d’autres secteurs de l’économie, ces produits et services y retournent, notamment dans les secteurs de l’extraction du gaz et du pétrole, du raffinage du pétrole, de l’exploitation minière, des produits forestiers, des métaux, du plastique, des véhicules motorisés, des télécommunications, des ordinateurs et des produits électroniques, de l’appareillage électrique, des produits pharmaceutiques et de l’alimentation. Par conséquent, lorsque nous enregistrons de la croissance, les avantages sont répartis dans l’ensemble de l’économie.

Notre but en tant que secteur industriel est de devenir le chef de file nord-américain de la transformation à valeur ajoutée des ressources. Il nous faut plus d’innovation et de transformation. C’est pourquoi nous recommandons des mesures qui stimuleront l’investissement, telles que la DAA de cinq ans, qui constituerait un incitatif direct pour investir au Canada et qui ajouterait de la valeur à notre base de ressources naturelles ici plutôt qu’ailleurs.

Il est utile de se demander quel serait le coût additionnel d’une DAA d’une durée de cinq ans. Puisque cette mesure est en place depuis quelques années et qu’elle a été reconduite pour un an ou deux dans de récents budgets, le coût supplémentaire d’une autre reconduction de cinq ans serait relativement modeste. Les estimations faites par les Manufacturiers et Exportateurs du Canada (MEC) à l’aide des données de Finances Canada sur l’investissement indiquent que ce coût atteindrait environ 594 millions de dollars sur les cinq prochaines années. Cela ne tient pas compte de la hausse marginale des investissements suscitée par la prolongation de cinq ans; l’ACIC demande au gouvernement de mesurer le niveau actuel (moyenne des trois dernières années) des investissements en machines et matériel pour faire une comparaison avec les cinq prochaines années et établir s’il y aurait un avantage net réel à la marge pour le Canada. À cela s’ajouteraient les avantages connexes supplémentaires découlant de l’amélioration de l’efficacité énergétique, de la réduction de l’empreinte écologique et de l’augmentation de la productivité.



[1] Multiplicateurs nationaux et provinciaux, 2005, Statistique Canada, no 15F0046XDB au Catalogue.